TOGO : Faure Gnassingbé, l’insubmersible

Publié le par LA NOUVELLE MARCHE

Son fauteuil a vacillé le 19 aout 2017 à la suite d’une manifestation qui s’est déroulée ce jour. Manifestation qui avait été organisée par le Parti national panafricain (PNP), une petite formation politique togolaise qui venait de naitre. Vu l’écho que cette marche avait fait dans l’opinion internationale, les autres partis politiques de l’opposition qui étaient en hibernation ont tôt fait de croire qu’ils tenaient le bon filon. Mais au fil des jours et des marches organisées, et face à des revendications excessives, l’ardeur observée les premiers jours s’étiole et s’effrite et beaucoup ne comprennent pas la réticence des opposants à aller au dialogue. Du coup la prise du pouvoir d’Etat par la rue, souhaitée par une minorité de Togolais n’a pas eu lieu.


Même si les manifestations du samedi 19 août 2017 n’ont surpris personne, il faut reconnaitre que les affrontements observés l’étaient. En effet il y a eu des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre dans plusieurs villes du Togo. Ils ont fait deux morts à Sokodé selon les autorités ; le leader du Parti national panafricain (PNP), un petit parti d'opposition qui avait appelé à manifester, évoque lui d’autres chiffres, et beaucoup de blessés. Les manifestants marchaient pour le retour à la Constitution de 1992 et le vote de la diaspora.


Les marches avaient été interdites la veille, vendredi 18 août, car le PNP avait refusé les itinéraires indiqués par le gouvernement. Le PNP togolais, inconnu jusqu'en janvier 2017, devient ainsi l’ascenseur pour les autres partis politiques d’opposition. Tikpi Atchadam, le président du PNP rentrait ainsi dans le landerneau politique togolais. Un leader politique venait de naitre au Togo.


Tikpi Salifou Atchadam le nouveau venu qui a troublé le sommeil des caciques du régime 
La simple évocation de son nom suffit à rassembler les foules. Encore inconnu sur la scène politique togolaise et internationale il y a quelques mois, Tikpi Atchadam est devenu la figure de proue de la fronde togolaise  depuis la violente manifestation du 19 août 2017, au cours de laquelle il a appelé la population à défier le régime. À 50 ans, ce juriste et anthropologue de formation a bouleversé l’échiquier politique togolais, paralysé par une opposition divisée, enlisée dans un dialogue stérile avec le pouvoir. Depuis, il ne désarme pas. Le parti qu’il a fondé, le Parti national panafricain (PNP) et d’autres forces d’opposition du pays, marchent hebdomadairement, objectif : faire tomber le chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbé. 

Mais  l'homme au visage lardé de scarifications de la communauté tem, tient des propos agressifs emprunts de revendications ethniques. Des déclarations violentes qui font froid dans le dos et qui des fois exaspèrent ses collègues de l’opposition. Son iman Djobo Hassan tient également les mêmes propos violents, ce qui lui a d’ailleurs valu une arrestation de quelques semaines. Toute chose qui a ramené la violence politique, disparue de ce pays depuis une dizaine d’années. Mieux, même dans l’opposition, Tikpi Atchadam ne fait pas l’unanimité et n’est pas vu d’un bon œil par tout le monde. Le leader du PNP n’a qu’un seul dessein : voir le retour à la Constitution de 1992. 


Des revendications de l’opposition exagérées 


L'opposition togolaise ne veut pas d'une simple réforme, elle exige un retour pur et simple à l'ancienne Constitution, celle qui avait été votée en 1992 et modifiée dix ans plus tard par Eyadema Gnassingbé. Kafui Adjamagbo Johnson est à la tête de la coalition CAP 2015, la coalition des partis de l’opposition, et elle attend beaucoup plus que le projet de loi proposé par le gouvernement. « C’est une exigence : que nous puissions retrouver la Constitution du 14 octobre 1992. Et que le chef de l’Etat actuel en tire toutes les conséquences. 


Qu’il réalise qu’il a fait plus de deux mandats et qu’il mette fin à son mandat en cours.» Le départ du président est sur les lèvres de nombreux militants de l'opposition au Togo. Depuis que Jean-Pierre Fabre, le leader de l'ANC, l'a évoqué ouvertement devant certaines personnes. « Moi, je dis : j’exige le départ du chef de l’Etat. Et les autres disent : nous exigeons le retour à la Constitution de 1992 avec toutes les conséquences qui en découlent. Donc pour eux, c’est pareil. » Des revendications jugées trop excessives du moment où selon plusieurs observateurs, on ne peut pas non seulement prendre cette constitution de 1992 dans son entièreté pour celle de 2017 mais aussi, on ne peut pas non plus demander à un chef d’Etat démocratiquement élu au terme d’une élection démocratique et transparente reconnue par tous de quitter le pourvoir sur le simple bon vouloir de quelques-uns de ses compatriotes. En mettant la barre trop haut, l’opposition togolaise fait le lit elle-même à son échec dans la mesure où tous les émissaires désignés ont du mal à les suivre. En faisant preuve d’un tel irréalisme politique, elle donne la force au pouvoir en place qui rebondit de fort belle manière. 


Faure Gnassingbé, l’insubmersible 


En dépit de toute l’agitation observée, le président togolais semble maitriser la barque et visiblement ne semble pas être trop émoussé par l’ardeur de ses opposants qui demandent son départ du pouvoir. En effet, dans une interview accordée à nos confrères du magazine Jeune Afrique, le Chef de l’État togolais Faure Gnassingbé a enfin mis un terme à son silence et s’est prononcé sur la situation dans son pays. 


« Ne mélangeons pas les sphères politique et juridique. Les constitutions disposent pour l’avenir, non pour le passé », affirme-t-il avant de répondre à bien d’autres préoccupations touchant directement à la crise. Dialogue, référendum, conséquences économiques et diplomatiques de la crise. Pour ce qui est du dialogue qui peine à se mettre en place. Le président togolais le veut inclusif. «Nous avons, au sein de l’opposition, des partis représentés à l’Assemblée et des partis extraparlementaires : ils devront décider s’ils y viennent séparément ou en coalition. Nous avons aussi des partis qui  n’ont ni manifesté ni revendiqué et qui agissent dans le cadre des institutions. Ceux-là aussi ont le droit de participer », relève Faure Gnassingbé en précisant plus loin que : « Cette crise est politique, le dialogue sera donc une séquence purement politique ». 


Cette volonté de dialogue de Faure Gnassingbé est appréciée et saluée par la communauté internationale. Samedi 16 décembre dernier, à Abuja, dans la capitale nigériane, au terme des travaux de son 52ème sommet, la CEDEAO, a, dans une déclaration, salué toutes les mesures d’apaisement prises par le gouvernement togolais en vue de libérer la voie au dialogue et lancé un appel à tous les acteurs « à s’engager sans délai dans un dialogue inclusif, dans un esprit de compromis…pour la mise en œuvre des réformes en respectant l’ordre constitutionnel et les institutions démocratiques.»


 Et après ce dialogue, un référendum sera organisé. Il s’agit d’une disposition constitutionnelle, rappelle le président togolais. Il ne passera pas sous silence  les conséquences de ces soubresauts politiques. « Cette crise est néfaste pour le Togo (…) Le risque de ruiner la réputation du Togo auprès de la communauté internationale et des investisseurs est bien réel », regrette-t-il. De jour en jour l’opposition perd de l’influence sur le plan international et le risque qu’elle n’obtienne pas grand-chose au terme du dialogue est grand. Car à vouloir trop tirer sur la corde, cette opposition qui étale son amateurisme au grand jour a ruiné sa réputation devant la communauté internationale

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Rochereau AVIDOUTE
 

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